« Une nation qui détruit ses sols se détruit elle-même »
Cette phrase de F.D. Roosevelt en 1937, lors de la période de sécheresse et d’érosion éolienne catastrophique dans les grandes plaines américaines, sonne comme un avertissement pour notre planète. Que serait un monde où la majeure partie des sols auraient disparu par érosion ou sous le béton, laissant les autres sols compactés, acidifiés, salinisés, ou contaminés par les minéraux lourds ou les polluants ?
Ne croyons pas que le sol est une ressource renouvelable : un passage de tractopelle peut en quelques secondes détruire ce que la nature a mis plusieurs milliers d’années à construire. Alors que 95% de notre alimentation se fonde sur les sols, ceux-ci sont de plus en plus sollicités pour d’autres usages : urbanisation et infrastructures (près de 10% du territoire métropolitain est déjà artificialisé), production de nombreux autres produits biosourcés : fibres, bois, agrocarburants, substituts aux plastiques…
Cette demande accrue de sols cultivables se traduit par des conflits d’usages et l’accaparement de terres d’autres pays ; elle se manifeste aussi par de nombreuses formes de dégradation. Parmi celles-ci, l’érosion arrive en tête. Peu de semaines s’écoulent sans que ne soient signalés un glissement de terrain dévastateur ou une coulée boueuse. Une autre forme d’érosion, moins spectaculaire, mais plus continue, y compris en France, décape peu à peu les premiers centimètres du sol, les plus riches en matières organiques et en éléments fertilisants.
Destinée à atténuer les changements climatiques, l’augmentation du taux de carbone organique des sols passe d’abord par leur conservation. Tout aussi insidieuse, la pollution des sols par des métaux lourds et des contaminants organiques constitue un danger croissant pour la santé humaine et animale.
Faute d’outil fiable de suivi, l’estimation mondiale des sols dégradés varie entre 33 et 50%. A cet égard, le réseau français de mesures de la qualité des sols (RMQS) pourrait servir d’exemple pour un système mondial.
Moins médiatisé que le climat ou la biodiversité, le sol souffre de l’absence de statut juridique qui permette la mise en œuvre des méthodes de conservation et de réhabilitation en concertation avec l’ensemble des acteurs territoriaux.
Christian Valentin, Institut de recherche pour le développement (IRD), membre de l’Académie d’agriculture de France
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A noter, par ailleurs, que Christian Valentin a coordonné la publication en 2018 de six ouvrages sur les sols chez ISTE Editions
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